Sculpture de Duane Hanson, 1970
« Mes motifs préférés sont les américains de la classe inférieure et moyenne. Pour moi la résignation, le vide et la solitude de leur existence rendent bien la véritable réalité de la vie de ces gens ». (Hanson)
Photo de Jean Baptiste Mondino,2009 pour la pochette du disque "J'accuse " de Damien Saez
La photo ci-dessus, fut frappée de censure au début du mois de mars. L'Autorité de Régularisation Professionnelle de la Publicité, alertée par les Chiennes de Garde se justifiait ainsi :
" (...) ce visuel présente un caractère dégradant pour l'image de la femme, dans la mesure où elle apparaît nue, et, qui plus est, dans un chariot de supermarché, donc comme une marchandise. Or, (...) la publicité ne peut, notamment, réduire la personne humaine, et en particulier la femme, à la fonction d'objet, et, lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme dégradante. »
Dans ces deux oeuvres deux points communs : le caddy et la femme.
A partir de celles-ci , une question : où se trouve l'indécence ?
Quand les artistes explorent la relation femme/ consommation, le sujet fait souvent mal .
La sculpture de la ménagère américaine, déformée, enlaidie, aliénée par les diktats d'une surconsommation que l'on devine compensatrice, serait-elle moins subversive que la photo du mannequin aux stiletos, nue dans un caddie ?
Le problème serait-il que cette jeune femme (trop ?) belle correspond en tous points aux canons de la beauté actuellement imposés ?
Que le cliché de Mondino ne cède rien à la vulgarité, mais au contraire se place dans le domaine de l'esthétique ?
Que pour ces raisons, l' image affichée dans les stations du métro va en faire baver plus d'un ? Pousser l'honnête passant dans les retranchements inavouables de sa turpitude ?
Que tous les hommes -et les femmes !- n'y verront pas forcément le second degré revendiqué par Damien Saez le musicien qui avait fait de cette photo, la pochette de son album : "J'accuse " ?
"Cachez cette marchandise que je ne saurais voir !" s'exclament en choeur les ligues de vertu au nom d'un féminisme de chapelle : exit la sulfureuse affiche !
Après la pipe de Tati transformée en pitoyable moulinet, la cigarette d'Higelin détournée sur une pochette de disque, la censure continue son hypocrite boulot. Ce qu'il y a de plus gênant dans cette histoire, ce n'est pas la nudité en soi, c'est la présence du caddy, objet transitionnel et objet symbolique qui met à nu et exacerbe une réalité sociale totalement intégrée par ailleurs.
Une réalité qui renvoie le consommateur à "la résignation, le vide et la solitude de leur existence" au même titre que la Supermarket Lady ?
Une interrogation qui a le mérite d'être parfaitement posée par Mondino.