jeudi 4 juin 2009

Je suis au milieu, peignant


Gustave Courbet : L'atelier du peintre. 1855. Huile sur toile 361cm x 598cm. Musée d'Orsay. Paris
« C’est le monde qui vient se faire peindre chez moi »
Certes, il est au milieu de la scène, notre Gustave, en train de travailler à la représentation d' un paysage de sa Franche Comté natale. Dans la surface de la toile viennent s'inclure deux figures : à droite le modèle nu : est-elle là pour animer le paysage à la manière d'une scène de genre qui sera prisée des Impressionnistes après le Second Empire ? A gauche, un petit paysan admirant le maître un tantinet orgueilleux dans sa pose.
C'est que dans cette oeuvre, il y a un "à droite" et un "à gauche". On le voit nettement. A droite, figurent les "gens bien"aux yeux de l'artiste : couple de bourgeois amateurs d'art en visite, artistes ou critiques (Champfleury), musiciens philosophe (Proudhon ) et même Baudelaire lisant, sur le côté. A gauche, un autre monde plus incertain et inquiétant : la misère, la pauvreté, une société "border-line" dirait-on aujourd'hui. Un Hercule de foire, une irlandaise allaitant, "un curé d'une figure triomphante", un "juif portant sa cassette", ( concession à un orientaliste mal digéré, le turban ? antisémitisme, la cassette ?) comme l'a précisé lui-même l'artiste.
A droite, la lumière, les élus de l'artiste. A gauche la pénombre : les exploités, les exploiteurs, ceux qui font leur richesse sur la mort des autres, un monde trouble.
Moralisateur, Courbet ? Un petit air de Jugement Dernier en tout cas.
A propos de ce tableau de grande dimension, Courbet avait dit lui-même dans une lettre adressée à Champfleury, le critique :
« Vous comprendrez comme vous pourrez. Les gens qui veulent juger auront de l’ouvrage, ils s’en tireront comme ils pourront. Pourquoi cette difficulté ? Elle tient essentiellement à deux choses : d’une part, le tableau prend une tout autre dimension dès lors que l’on y perçoit non point tant des types que des portraits ; d’autre part, L’Atelier a un sous-titre singulier – Allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique –, mêlant deux termes en apparence antinomiques : Allégorie / Réalité. »
Toute la problématique du thème ressassé "ad nauséam" du peintre et du modèle dans son atelier, évidemment.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ah, chère Alluria, que de fantasmes bâtis autour du thème "le peintre et son modèle" : comment s'opère le choix d'un modèle, le modèle inspire-t-il ou n'est-il qu'un "objet", malléable à volonté, qui indique les poses, que se passe-t-il entre un peintre et un modèle dans l'intimité....?
Miss O

alluria a dit…

@ Miss O
Effectivement, que de fantasmes qui font et feront les beaux jours d'une certaine littérature que je qualifierai de midinettes. Les petites boutiquières des faubourgs du XIXème siècle qui s'essayèrent à la pose pour gagner un peu d'argent finirent pour beaucoup dans la prostitution. Un peu comme aujourd'hui de jeunes mannequins venus des Pays de l'Est,hélas. Avez -vous lu "L'Oeuvre" de Zola qui démystifie bien cela. Il analyse, en effet le moment de peindre, l'univers de l'Art, puis, le moment passé, le retour à la vie quotidienne. De nos jours en France, la séance de pose masculine ou féminine est très réglementée, c'est un métier, une technique, et n'est pas érotisée. Si elle l'est, je pense que cela est un scénario de rencontre comme un autre. La nudité en soi n'est pas un catalyseur érotique, c'est plutôt le mystère, le suggéré, le non dévoilé qui l'est. En attendant ça fait rêver et c'est toujours ça de pris !