lundi 24 mai 2010

Lucian Freud : Centre de gravité

L'artiste au travail dans son atelier,2005

photo de David Dawson

Niveau six, Galerie deux. Beaubourg.

L'atelier de Lucian Freud m'a prise au dépourvu.
L'atelier, pour moi, c'est le centre de gravité de l'artiste : lieu d'ancrage entre intérieur et extérieur, lieu de tension entre intimité et représentation.
Cela je le savais, mais je ne connaissais pas le travail de Lucian Freud
.


Reflection 1985. C'est un autoportrait. Freud en a déjà réalisé beaucoup, lorsqu'il était plus jeune. Ils jalonnent son parcours d'artiste. Ici, il a soixante trois ans.


Pourquoi celui-là entre tous ?

Parce que je suis touchée par ce regard gris-bleu, à la fois attentif et apaisé, les marques de la maturité sur son visage, le traitement de sa carnation.


Painter working, Reflection


Huit ans plus tard, Lucian Freud se représente nu et au travail, dans son studio dépouillé de tout décor. Alourdi par cette touche épaisse, grumeleuse qu'il vient d'adopter pour ses nus.

Two men in the studio. 1987/89

Dans notre siècle dominé par la photographie qui lisse et esthétise les corps, les nus de Lucian Freud viennent rappeler la chair, rien que la chair accidentée, lourde et heurtée par la vie.


David and Eli 2003/04
J'aime la passivité érotique du modèle et la provocation que son sexe omniprésent, donne à la scène. Langueur de la pose, de celle du chien, mais malgré tout une agressivité latente... Les feuilles de la plante y seraient-elles pour quelque chose ?



Troublante, cette animalité...


Nude with leg up. 1992
A travers ces poses, Freud abolit les références conventionnelles corps masculins, corps féminins. Ces postures, cuisses ouvertes, sont ici très féminines. Mais la masse musculaire est puissante, le corps massif, sans grâce et le sexe masculin ainsi offert créent une confusion...

Choquant ?

Moi, j'aime.
Leigh Bowery, ce modèle, a souvent posé pour Lucian Freud.

"Un de mes amis me disait un jour qu’étant fort petit, il assistait à la toilette de son père, et qu’alors il contemplait, avec une stupeur mêlée de délices, les muscles des bras, les dégradations de couleurs de la peau nuancée de rose et de jaune, et le réseau bleuâtre des veines. Le tableau de la vie extérieure le pénétrait déjà de respect et s’emparait de son cerveau. "
Baudelaire "Le Peintre de la Vie Moderne". (L'artiste, Homme du monde, Homme des foules et Enfant )

Et oui ! Lucian Freud me fait penser à Baudelaire critique d'art... peut-être ce jeu subtil avec un réalisme qui n'en est pas un, un expressionnisme qui n'en n'est pas un non plus ...

2 commentaires:

jicky a dit…

morte de rire, Lucian Freud (que j'aime bcp) qui refait l' "origine du monde" de Manet version masculine!

alluria a dit…

Oui, mais en moins académique, non ? Ces charges de peinture dont j'ai parlé dans mon post, et puis cette chaussette à moitié enlevée... il y aurait de quoi dire là-dessus